« Vice-versa 2 » : dans la tête d’une ado avec son tourbillon d’émotions (2024)

L’AVIS DU «MONDE» – À VOIR

Après un enchaînement assez faiblard de contes biographiques et communautaires (Luca, Alerte rouge, Elementaire), Pete Docter, tête pensante de Pixar, a tout récemment donné le cap pour les productions à venir du studio: «Nos films seront moins des catharsis de nos cinéastes qu’une voix pour raconter une expérience commune.» Heureux retour à l’universalité donc, mais qu’il faut nuancer d’une contrainte: celle de l’éternelle politique du zéro risque imposé par Disney, propriétaire de Pixar depuis 2008: plus de suites et de spin-off, moins de projets originaux.

Ainsi de Vice-versa2, suite très attendue du premier opus (Pete Docter, 2015), dernier grand univers original (avec Coco, 2017) avant la panne sèche d’inspiration. Le dispositif, rappelons-le, circule entre deux mondes: d’un côté, le quotidien de la petite Riley, qu’on avait quittée enfant et qui nous revient préado. De l’autre, ce qu’il se passe à l’intérieur de son cerveau, agencé comme une salle des commandes pilotée par cinq émotions élémentaires: Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Angoisse, parvenues, à la fin du film, à une certaine concorde.

Reconduisant cette appréciation neuroscientifique des émotions, le deuxième volet s’en tient à ce principe, hautement ludique et réjouissant, de complexification émotionnelle du cerveau de Riley qui s’approche dangereusem*nt de l’adolescence. Le récit commence lorsqu’une équipe d’ouvriers vient saccager le Quartier général, reconfiguré pour accueillir de nouvelles émotions, et un énorme bouton «Puberté». Les émotions élémentaires vont ainsi devoir négocier avec quatre nouveaux personnages: Anxiété, résolue à prendre les commandes du vaisseau; Embarras, qui se dissimule sous son sweat à capuche; Ennui, écroulé sur le canapé; et Envie, intarissable dès lors qu’il s’agit d’admirer les nouvelles copines de Riley.

Petite usine cérébrale

Fraîchement acceptée dans une équipe de hockey féminin, la préado est en proie à un chambardement émotionnel: à l’intérieur, son Arbre de l’estime est progressivement mis à sac par Anxiété, qui jette par-dessus bord l’ancienne équipe, lancée dans une traversée périlleuse pour rejoindre de nouveau le Quartier général. Intact est le plaisir qu’il y a à parcourir cette petite usine cérébrale qui s’augmente ici de nouvelles régions, toujours aussi génialement topographiées: la salle des projections où Anxiété, avec le concours d’une armée de dessinateurs, envisage le pirepour l’avenir, les failles du Sarcasme, la chambre forte des Secrets, le fleuve du Courant de pensée… Une créativité tous azimuts qui dissimule pourtant mal un problème de fondqui, peu à peu, nous envahit: si la virtuosité est toujours au rendez-vous, le vertige émotionnel, si souvent assuré par Pixar, se fait attendre.

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